8/10Le Château ambulant

/ Critique - écrit par Djak, le 13/01/2005
Notre verdict : 8/10 - Château fort (Fiche technique)

A 18 ans, Sophie travaille sans relâche dans la chapellerie familiale. Au détour d'une rue, elle fait la connaissance d'un énigmatique garçon lui venant en aide. Secours malheureusement succinct vu que le jeune homme est poursuivi par des créatures. Le sauvetage se transforme donc en une folle course poursuite dans les méandres des ruelles de la ville qui se finira magiquement en volant. Sophie sauvée, le bel éphèbe l'abandonne laissant notre héroïne éprise.
Sophie sur son petit nuage va pourtant vite se rendre compte que le pire n'est pas passé. En effet, la « Sorcière des landes », morte de jalousie de cette escapade, maudit la jeune chapelière. Sophie transformée en une vieillarde, désemparée n'a d'autre solution que de fuir et de tenter de retrouver son prince charmant. Fuyant la ville, elle va alors trouver refuge dans le mystérieux château ambulant de Howl.

Enfin ! Trois ans que l'on attendait le nouveau film de Hayao Miyazaki après le triomphe international du Voyage de Chihiro. Trois longues années heureusement comblées par les sorties en France de ses anciens films tels que Le château dans le ciel ou encore Kiki la petite sorcière. Bref, vous l'aurez compris, Le Château Ambulant s'est fait longtemps désirer. Alors, le film valait-il ces si longues années d'attente ?

Si la première chose qui frappe lorsque l'on se retrouve à regarder Le Château Ambulant est la qualité et la beauté de l'animation, le spectateur se retrouve tout de même très vite pris sous le charme de l'histoire, plongé dans un état euphorique proche du rêve. Ebahi, transporté en tout les cas, on laisse notre imagination débordée et vivre pleinement cette fable faite de magie. Une narration quasi parfaite, originale mais surtout envoûtante, renforcée par une musique symphonique toujours dans le ton. Mais avant de développer tous ces attraits de ce chef d'oeuvre de Miyazaki, commençons par le commencement et donc par l'animation.

Le Château Ambulant : un film... d'animation avant tout

Qui pense 'dessin animé', pense forcément 'enfant'. Si Le Château Ambulant est un dessin animé et effectivement un film d'animation destiné aux enfants c'est tout d'abord un conte pour tous. Que l'on ait 7 ou 77 ans, on ne peut qu'être touchés par ce film.
Techniquement, le film est quasi parfait. Après ces précédentes productions, on ne pouvait en attendre moins de celui-ci. L'animation est fluide et les détails sont légion que ce soit par exemple dans les scènes se déroulant en ville ou encore dans les scènes dans le château. Pour autant, Miyazaki a une fois de plus fait plus fort. En effet, un ingrédient primordial vient s'ajouter au Château ambulant : le 'mecanical'. Tout au long des deux heures que compte le film, on est ainsi émerveillés par les prouesses techniques accomplies par les chara-designers que ce soit sur le château lui-même ou encore sur les machines de guerres. En visionnant le film, on se rend réellement compte à quel point ces éléments ont une place importante dans l'histoire et encore plus le château. Quand on sait que le père du réalisateur était dirigeant d'une manufacture d'avions et que ceux-ci l'ont toujours fasciné, on en vient à comprendre son obsession et leur présence importante voire parfois humanisée. Porco Rosso en étant jusqu'à ce jour l'exemple le plus flagrant. Dans Le Château ambulant, Miyazaki repousse encore les limite en nous offrant un château somptueux, ambulant mais encore plus vivant.

Le château ambulant : héros inavoué ?

Un souci du détails impressionnant, une présence constante : le château en un mot en impose. Rarement on aura vu un ‘lieu' aussi vivant. Si le château bouge, grâce à ses quatre pattes, tel un animal, ce n'est pour autant pas cela qui le rend si humain. Car, à n'en pas douter, il est sans conteste le personnage principal du film. Il suffit pour cela de regarder sa forme générale qui dénote comparé à un banal château. Ici, les murailles, créneaux et donjons sont mis aux oubliettes. Le château adopte une forme surnaturelle, croisement d'un éléphant, d'une tortue... voire peut être d'un glouton. Des canons s'improvisent tels deux yeux, disposés de part et d'autre au dessus d'un ersatz de langue. Les briques en forment de dents, les pièces habitables du château disposées de part et d'autre sur le dos de la chimère qui, pourtant, parait bien réelle. La machine vivante, fonctionnant à la vapeur, crache des flammes tel un dragon. En un mot: saisissant. Pourtant, rien de tout cela ne serait sans le formidable travail de mise en mouvement de la ‘bête'. Les animateurs ont effectué dessus un travail de titan. Gigantesque, celle-ci parait pourtant fragile malgré le fer qui la constitue. Chaque pas, tels ceux d'un vieil animal, parait pouvoir lui être fatal. Et pourtant le château tient, les cartes s'envolent dans un grand fatras de bruit mécaniques, de vapeur sifflante ; de métal mal huilé.
Parler du château sans parler de son maître serait impossible. Si Hauru, le beau magicien en est le locataire, Calcifer en est bien le véritable chef. Sans lui le château meurt. Et pour cause, Calcifer est la source d'énergie du château : un démon lui aussi maudit transformé pour l'occasion en feu de cheminée fort loquace. Malgré sa petitesse, Calcifer en impose réellement à l'écran (n'oublions pas que c'est un démon tout de même). Au caractère bien trempé, têtu comme une mule mais très attachant, Calcifer est en quelque sorte l'âme du château.
Un personnage qui, de prime abord, pourrait passer pour secondaire mais qui au final impose tout en nuance sa présence obligatoire. Un acteur à suivre diraient certains...

Le château ambulant : une niche de vie

Si au départ le château peut paraître plutôt inhabité (vu l'état on comprend) celui-ci va vite se remplir d'une petite galerie de personnages. Ainsi, si les deux personnages principaux : Hauru et Sophie prennent une place importante dans l'intrigue du film, paradoxalement, ils s'effacent souvent face aux personnages secondaires hauts en couleur. En effet, Calcifer n'est pas le seul personnage secondaire de l'histoire à tirer son épingle du jeu. Comme dans tous ses films, Miyazaki a apporté un soin tout particulier à leur création. Chacun pourrait avoir le droit à un paragraphe tellement leur caractère se montre riche, original et souvent bien plus complexe qu'on pourrait le croire. Ainsi, l'épouvantail à tête de navet (réincarnation dissimulée de Totoro) en surprendra sur la fin plus d'un, tout comme le chien complètement déjanté au nom aussi bizarre qu'imprononçable. On aura rarement vu un personnage aussi expressif. Si ces personnages peuvent à première vue avoir un rôle uniquement humoristique, ce serait faire fausse route. L'auteur l'a d'ailleurs déjà prouvé dans Le Voyage de Chihiro par exemple.
Enfin, peut-être qu'aussi ces personnages secondaires apparaissent si présents à l'écran du fait de la fadeur des deux protagonistes principaux : Hauru et Sophie. En effet, Hauru manque trop souvent de présence à l'écran et son personnage reste trop souvent terne et en retrait. Magicien de talent, beau comme un prince, il lui manque pourtant ce petit quelque chose chevaleresque. Sophie, bien que débordante de bonne volonté, généreuse au possible, souffre presque du stéréotype de l'héroïne classique. Après, peut-être que ces deux têtes d'affiche sont en fait sans reproche mais que malheureusement les seconds rôles se révèlent meilleurs. Tout est question de point de vue.

Un château Chatoyant

Techniquement parfait, le film est aussi dans le fond une belle réussite. Si on en prend plein les yeux, on en prend aussi plein la tête. Rien à voir pourtant ici avec des productions hollywoodiennes. Attention à ne pas confondre. Le Château Ambulant affiche la différence. Tout est dans l'imaginaire, la subtilité. Regarder ce film, c'est accepter de rentrer dans un monde onirique, accepter de rêver éveillé. Le film invite au dépaysement complet. Miyazaki plus que quiconque se montre un maître dans ce domaine. Les détails à foison sont là pour nous convaincre de continuer à croire en ce monde imaginaire. La richesse des décors apportée à l'oeuvre par le réalisateur tout comme celle du livre d'origine de Diane Wynne Jones : auteur du roman force au respect. Au fur et à mesure, on est complètement pris au piège, on s'enfonce dans son fauteuil et surtout on se laisse emporter.

LE Miyazaki ?

Et bien non. Pourtant, le film a tous les atouts pour convaincre. Malheureusement on regrettera quelques défauts significatifs comme les raccourcis dans l'histoire utilisés par Miyazaki. En effet, l'oeuvre et donc l'univers créés par la romancière anglaise sont très riches. Le réalisateur a ici du mal à retranscrire en deux heures les complexités de l'intrigue comme les causes de la guerre par exemple. En résulte par moment un sentiment de perdition pendant le film. On se demande si on n'a pas raté un passage. Peut être que le film aurait ainsi gagné à durer un peu plus longtemps, voire à être plutôt adapté en série.
En outre, malgré les talents de narrateur de l'auteur, l'histoire tourne parfois trop dans le mielleux entre Hauru et Sophie.
Enfin, chose peu courante pour un film de Miyazaki et surtout pour son compositeur Joe Hisashi, la musique parait absente. N'entendons pas par là qu'elle est mauvaise mais juste qu'elle n'est pas majestueuse comme elle l'est généralement.

Au final, Le Château ambulant n'est pas la meilleure oeuvre de Miyazaki mais presque. On espère qu'une fois de plus l'auteur reviendra sur ses paroles et nous redonnera d'ici quelques années l'occasion d'aller voir son nouveau film au cinéma.