6.5/10Le Clown

/ Critique - écrit par juro, le 06/02/2008
Notre verdict : 6.5/10 - D'Auguste à Pierrot (Fiche technique)

Nez rouge et maquillage sont de sortie pour un manhua bien noir.

Le cirque subsiste tant bien que mal aujourd'hui. A croire Zhang Xiaoyu, cela consiste presque en une tradition dans laquelle ces plus illustres représentants, les clowns, sont condamnés à avoir une existence en totale contradiction avec leur personnage grimé et souriant. Avec Le Clown, le manhuaji souligne un destin hors du commun, celui de Beiluo, un clown joyeux appelé à devenir triste par la faute de son cœur, trop friable, et de ses yeux, pas assez ouverts sur la réalité sociale de l'époque.

Pierrot le fou

Le clown
Le clown
Début du XXe siècle, dans une grande ville anonyme d'Europe. Beiluo, acrobate manchot, se donne en spectacle sur les places et les marchés avec son chien Apollon, pour gagner de quoi vivre jusqu'au lendemain. Mais les rues ne sont guère accueillantes et son bras lui manque cruellement lorsqu'il s'agit de se défendre contre des forces de l'ordre, impitoyables avec les saltimbanques. Lorsqu'il rencontre Danpio, un clochard qui vole pour nourrir tout un groupe de vieillards démunis, Beiluo se retrouve confronté aux fantômes de son enfance tragique...

Le Clown nous conte la décadence d'un artiste de rue dont les rêves s'effritent lorsqu'il touche une barrière sociale infranchissable. L'histoire se montre aussi profondément cruelle sur le fait que l'amour se casse les dents de toute part. Une histoire pleine de noirceur à mesure que sa narration progresse mais avant tout centré sur un son personnage principal. Clown de son état et débrouillard par nature et par expérience, le petit Beiluo a bien grandi pour se retrouver admirer par la gente aisée européenne. Il ne ramasse que les miettes pour ses acrobaties mais il possède une liberté qu'il n'échangerait à aucun prix. Seulement voilà. Le cœur de Beiluo vise haut, très haut mais est-ce que les dames de l'aristocratie le voient vraiment comme un homme ou uniquement comme un divertissement ? Dans l'esprit du jeune homme, il n'y a pas de doute. Et ceci aura des conséquences insupportables pour lui et son entourage... Le scénario bénéficie d'un traitement intéressant pour un manhua que seul deux auteurs parus en France pourraient donner à l'histoire : Benjamin ou notre Zhang Xiaoyu en question. Et si la narration pêche par culture, le traitement reste de très grande valeur...

George Clownesque

Le titre peut rappeler Wild Animals mais cette fois-ci le scénario tient vraiment la route et Le Clown tient la route sur son unique volume. Seulement, il manque d'intensité et se montre fort décousu, sautant des transitions importantes pour nous faire comprendre brutalement certains passages. Du coup, le manhuaji arrive à ses fins mais il manque ce quelque chose indescriptible qui aurait pu rendre l'œuvre encore meilleure. Le personnage principal possède ce charisme nécessaire à porter le poids de l'intrigue sur ses épaules mais les trop nombreux flashbacks viennent enterrer sa naissance toute récente pour ne retenir finalement qu'un enchaînement de scènes aboutissant à une fin profonde. Le scénario joue avec les sinusoïdes et demeure tout de même relativement linéaire.

A voir les précédentes chroniques de l'auteur, on aura eu l'occasion de dire du bien de Zhang Xiaoyu (L'Envol). Mais aussi bien du mal (Sombre Futur, Au Fond du Rêve). Cette nouvelle parution se situe plutôt du côté positif mais on retrouve enfin cette profondeur et toutes ces images pleines de symboliques aperçues dans le meilleur d'entre eux. le travail sans commune mesure de l'auteur le place parmi les meilleurs dans sa catégorie. Son coup de crayon va aussi bien aux esquisses qu'aux planches entières rendant ses personnages foncièrement humains. En intégrant la violence d'une manière radicalement plus intelligente que dans Sombre Futur, il réveille son pinceau pour nous offrir un éclairage intense sur cette vie de clown triste.

Un manhua tout à fait intéressant publié dans la collection chinoise de Casterman. Xiao Pan peut presque s'en mordre les doigts de ne pas avoir acquis la licence de ce bon album mais qui demeure tout de même incomplet à cause d'un manque dans les enchaînements narratifs...