8.5/10Dorohedoro

/ Critique - écrit par Djak, le 21/11/2005
Notre verdict : 8.5/10 - Nikaido et Caïman : la petite faiblesse qui vous perdra. (Fiche technique)

Tags : dorohedoro manga hayashida caiman shirt album nikaido

L'univers de Q.Hayashida est aussi violent et surprenant, que
novateur. Découvrez dans ce premier volume, les bases de
ce monde post apocalyptique et hyper violent, où des factions
de mutants et de survivants se livrent une guérilla sans merci. Un ovni à dévorer.

Si à l'heure actuelle, le prolifique éditeur de BD Soleil est en train de remonter la pente et de se plonger sérieusement dans la BD orientale, il y a quelques années la situation était inversée. En effet, on se souvient que Soleil s'était associé à l'éditeur Végétal pour lancer son label manga. Au programme, quelques shôjo enfantins (Da Da Da, Uryuku...) et surtout la très attendue sortie de l'adaptation de Battle Royale. Rien de plus dans le catalogue si ce n'est un titre malheureusement passé inaperçu. Son nom : Dorohedoro.

Un drôle de nom pour une histoire originale.

Dorohedoro
Dorohedoro
Dorohedoro
est un manga publié dans le magazine de prépublication Ikki, magazine connu pour publier des oeuvres souvent étranges, expérimentales, voire underground mais en tout cas originales. En France, on connaît surtout Matsumoto Taiyô (Number 5)comme figure de proue du mensuel. Dorohedoro trouve sa place sans conteste dans ce magazine.
Mais avant de revenir sur les particularités et l'étrangeté de ce titre, revenons tout d'abord sur l'histoire de ce seinen.

Caïman, victime de l'expérience d'un magicien se retrouve amnésique. Pire, son visage ressemble à celui d'un gros reptile. Bon gré mal gré, avec l'aide de son amie Nikaido, Caïman tente de retrouver le responsable de son état. La chasse au Mages commence alors pour eux dans leur ville de Hole. La tache n'est pas facile, les Mages sont dangereux et vivent surtout dans un autre monde. Ils ne viennent que dans Hole, grâce à des portes spatio-temporelles, pour tester leurs expériences.
Pire, En, un des grands chefs Mage, décide de mettre fin aux actions de Caïman et Nikaido et envoie deux mages puissants s'occuper de leur cas.

Dorohedoro se démarque réellement du lot des séries sorties ses dernières années et en particulier de celles de Soleil. Il serait intéressent d'avoir une petite interview du représentant de l'éditeur pour savoir ce qu'il en est. Mais revenons à nos moutons, Dorohedoro est une perle rare comme on en aimerait en voir plus souvent sur les étals des libraires. Le formatage des oeuvres, les codes graphexologique et scénaristique sont ici aux antipodes de ce que l'on voit actuellement. Bref, vous l'aurez compris, Dorohedoro est tout sauf un manga formaté, Dorohedoro est une bombe.

L'univers développé par Q. Hayashida surprend au premier abord. Hole se présente comme une immense décharge, un peu à l'image de Gunnm. Le monde des Mages pourrait lui aussi être comparé avec celui de Zalem. En effet, la population de Hole n'est rien de moins qu'un vaste terrain de jeu et d'expériences pour les Mages. Les habitants de Hole sont dans la majorité désabusés et vivent leur vie au jour le jour sans espoir d'amélioration. Travail pourri et peu généreux, ville dangereuse sont le lot quotidien de la population. La mangaka parvient avec brio à créer un monde unique, exotique et surtout cohérent. Si les premiers volumes laissent le lecteur dans le brouillard concernant les relations entre Hole et le monde des Mages, au fil des tomes et à travers les yeux des deux héros, celui-ci va en apprendre plus sur cet univers. La ville poubelle se découvre alors peu à peu, on commence à comprendre son intérêt pour les Mages.

En outre, l'auteur ne s'arrête pas là. Le scénario prend lui aussi de l'ampleur et devient moins flou qu'au début. Le mystère autour de Caïman et de l'hôte présent dans sa gueule s'éclaircit lentement. Le suspense est bien tenu par la mangaka qui sait maintenir son lecteur en haleine. Q. Hayashida en rajoute pourtant une couche grâce aux autres protagonistes de Dorohedoro. Que ce soit Nikaido ou les mages, chacun a quelques secrets qu'on tarde de découvrir. Mieux, le chara-design de l'auteur est léché, travaillé comme rarement. Les Mages sont un vrai bonheur à découvrir. Chacun possède un style, une personnalité propre.

Un dernier mot sur l'univers pour saluer (je crois que vous avez compris que je suis conquis) le talent de l'auteur. Dorohedoro se présente comme un manga sombre, bourrin et souvent violent. Pourtant, on se surprend à rigoler souvent. Les situations sont souvent grotesques, certains personnages le sont encore plus. Q. Hayashida développe avec soin un humour noir, un non-sens régulier.

Un drôle de nom pour un dessin exotique.

Graphiquement, le style de l'auteur est unique en son genre. Dommage que l'édition de Soleil ne lui rende pas hommage (mais nous en reparlerons plus longuement un peu plus tard). Le trait de l'auteur n'est pas sans rappeler celui de Kei Toume (Zero, Sing ‘Yesterday' for me, Les lamentations de l'agneau...). En effet, la mangaka dessine avec un crayon gras comme Kei Toume. Le trait est épais, grossier par endroit et donne une impression sale, inachevée. Ce style si particulier, proche de planches dessinées au fusain colle parfaitement à l'univers noir de Dorohedoro. Graphiquement le résultat est donc plus que concluant et retranscrit l'ambiance avec succès. La périodicité du magazine permet à la mangaka de pouvoir rendre un travail de qualité. Chaque planche est travaillée avec minutie. Au final, Les décors sont omniprésents et très variés, passant de lieux vides et déserts angoissants à des endroits plus exotiques. La variété est encore plus saisissante quand l'intrigue prend place dans le monde des mages. Le contraste est criant. Même chose au sujet des personnages. Tout d'abord, les deux héros et en particulier Caïman, sont particulièrement soignés dans leur création. Les personnages secondaires bénéficient eux aussi du même traitement et sont tous travaillés. L'auteur arrive même à retranscrire grâce au style du personnage leur caractère et ce, en particulier pour les Mages avec leurs masques.
Ainsi, Q. Hayashida nous montre tout son talent dans cette oeuvre. La mangaka avait déjà démontré dans ses débuts sa maîtrise du dessin comme de l'histoire avec Maken X que l'on espère voir un jour publié en France.

Un petit mot sur l'édition de Soleil. Si l'éditeur a eu la bonne idée de proposer Dorohedoro dans un grand format, le bas blesse concernant l'impression du manga. L'encrage des deux premiers volumes est affreux. De nombreuses pages sont trop floues et obscures et ne rendent pas hommage au travail encore une fois exceptionnel de l'auteur. Du beau gâchis. Incompréhensible car d'une certaine manière l'éditeur avait fait des efforts, comme par exemple avec la jaquette sérigraphée façon « peau de reptile », les bonus conservés en fin d'ouvrage ou encore le format.
Enfin, pour ne pas arranger les choses, Dorohedoro sort à un rythme très irrégulier. C'est simple, les deux premiers volumes sont sortis simultanément en 2002, et le volume 3 n'est arrivé dans les libraires qu'en mai 2005. Presque un record. On se consolera en remarquant que depuis sa séparation de Végétal, Soleil a amélioré sa qualité d'impression et d'adaptation. Maintenant, il y a plus qu'à espérer que l'éditeur daigne s'intéresser un peu plus à son oeuvre. La série de Q. Hayashida se situe sans mal au dessus de la production actuelle, en plus son originalité permettrera convaincre les moins audacieux.