7.5/10L'Homme qui Marche

/ Critique - écrit par juro, le 29/07/2004
Notre verdict : 7.5/10 - Balade au milieu de la réalité (Fiche technique)

Il n'y avait pas idée plus simple à adapter, le principe même que nous réalisons chaque jour sans en prendre conscience. Mettre un pied devant l'autre et aller droit devant soi en observant ce qui nous entoure, profiter de la vue des plaisirs urbains qui s'offrent à nous, pointer le détail dans un ciel intrigant et remarquer la vie qui émane du flux citadin et naturel. Poétique, c'est ainsi que se veut être L'Homme qui Marche, un des nombreux one-shot réalisé par Jirô Taniguchi (Quartier Lointain, Benkei in New York, Kaze No Shô). Peu de paroles, l'ensemble est presque entièrement voué au somptueux dessin du mangaka qui s'attarde sur la beauté du monde à proximité de la main de l'homme. Et c'est justement à travers la vision d'un homme anonyme que Taniguchi nous offre un point de vue rafraîchissant.

15 kilomètres à pied, ça use, ça use...

L'Homme qui Marche
L'Homme qui Marche
Les petites marches d'un homme l'amènent à observer et rencontrer toute sorte de stupéfiantes trouvailles au sein de l'univers citadin et naturel japonais. Peu importe la saison et l'heure de la journée, marcher n'est pas un problème. Accompagné de sa femme et de son chien, il prend le temps de découvrir ce que les autres yeux ne voient plus. Se sentir différent de ceux qui vivent autour de lui en se posant en tant que simple observateur, comme dans un rêve...

Le profond ressentiment de Taniguchi dans toutes ses oeuvres s'exprime à travers une nostalgie particulièrement marquée et L'Homme qui Marche ne déroge pas à la règle. Dix-huit histoires pour montrer que dans ce monde où tout va trop vite, il faudrait presque une « pause observation » pour se rendre compte qu'il faudrait apprécier chaque instant en multipliant les regards perdus dans le vague à la recherche du détail perdu dans les tableaux vivants de la vie citadine. Plus que jamais, on voit que l'inspiration de Taniguchi est due autant à la bande dessinée qu'au manga par son sens d'une représentation flagrante de la réalité. Une réalité qui n'a rien d'extraordinaire à première vue car totalement ancrée dans le quotidien mais chaque être croisé par le marcheur crée un nouvel événement.

La balaaaaaade des gens heureuuuuux

Immédiatement, le premier sentiment qui se dégage de cette oeuvre est un bienfait qui se contemple à tout point de vue. Rien qu'à voir la tête du personnage principal et son sourire omniprésent et un paysage qui respire la joie de vivre, on se trouve porté dans l'univers de Taniguchi. Il y rajoute même une couche d'humour comme dans le chapitre intitulé Le long chemin où une course improbable entre marcheurs parvient à devenir passionnante. Une sensibilité à fleur de peau s'en dégage et à le prendre pour ce qu'il est, L'Homme qui Marche fait passer un bon instant de détente dans un Japon où des particularités comme les fleurs de cerisiers apparaissent.

Ce qu'on pourrait reprocher à l'oeuvre est sa lenteur mais elle s'adapte parfaitement au sujet traité et la marche fait au contraire la part belle à la description du paysage. Et finalement, on s'accorde de ce rythme lent et on se laisse transporter voire même bercer et profiter des visions idylliques d'oiseaux, de nuages et autres instruments propices à la poésie de Taniguchi. Pas d'action à proprement parler donc mais dans la masse de mangas aux sujets répétitifs, celui-ci rappelle Gon par son exclusivité au dessin.

Pour le reste, l'auteur ne déçoit pas et se devait de rendre un travail aussi propre qu'à son habitude pour faire figurer ces personnages dans ces paysages. Loin des gros traits horribles d'un Travaux Publics, Taniguchi n'est pas pris à défaut avec son trait fin et un remplissage attrayant.

Pas essentiel dans sa mangathèque mais à voir pour observer du dessin à l'état brut, L'Homme qui Marche est une ode au paysage et à notre espace vécu, avec du grandiose par moment. Les fans de Taniguchi seront émerveillés, les autres apprécieront tout autant. Après l'avoir lu, éteignez votre écran (mais restez sur Krinein !) et allez profiter de l'air pur, les choses apparaîtront différemment...