Japan Expo 2014 - Table Ronde Kamui Fujiwara « Je pense que mon titre est assez intemporel, il correspond au public quel que soit son âge ou quelle que soit sa génération. »


/ Interview - écrit par OuRs256, le 10/10/2014

Kamui Fujiwara était l’invité des éditions Ki-oon lors de l’édition 2014 de Japan Expo, à l’occasion de la sortie de son titre : Dragon Quest – Emblem of Roto. C’était l’occasion pour Krinein de rencontrer l’auteur lors d’une mini-conférence avec trois autres médias : Actua BD, Bulle d’Encre et Unification France. Petit compte-rendu de ce qui s’est dit lors de cette conférence.

Japan Expo 2014 - Table Ronde Kamui Fujiwara « Je pense que mon titre est assez intemporel, il correspond au public quel que soit son âge ou quelle que soit sa génération. »


Connaissez la BD franco-belge et est-ce qu’il y a des artistes que vous admirez et qui ont pu influencer votre travail ?
Kamui Fujiwara (KF) : Il y en a beaucoup. Cependant, le premier que j’ai bien évidemment en tête est Mœbius, ensuite je dirais Bilal et Nicolas De Crécy. Ce sont ceux que je connais bien. Il y a une autre BD que j’adore en ce moment, c’est Lucha libre (NdlR: titre de Jerry Frissen pour les plus curieux), avec des personnages masqués amusants. Mais il y en a trop pour que j’arrive à vous donner tous leur noms comme ça !

 

Jouez-vous à Dragon Quest et si oui, quel est votre préféré ?
KF 
: Oui j’y joue, je les ai tous terminés et mon préféré est le 3.

 

Comment êtes-vous arrivé sur un univers comme celui de Dragon Quest ?
KF : J’étais très, très fan du jeu dès le début de la série, à tel point que je créais des mini-fanzines basés sur l’univers du jeu ! Quand les gens de chez Enix (l’entreprise qui publiait le jeu vidéo à l’époque) ont sorti le Shônen Gangan, ils ont lancé un appel d’offre pour la création d’une adaptation du jeu Dragon Quest en manga. C’est à ce moment là que j’ai envoyé ma candidature.

 

Dragon Quest a été publie en 1991 et 1997, mais la série n’arrive en France que cette année, comment percevez-vous les choses vingt ans après ?
KF : Je pense que mon titre est assez intemporel, il correspond au public quel que soit son âge ou quelle que soit sa génération. Je n’ai donc pas vraiment d’opinion propre sur le nombre d’années de décalage ; pour moi ça ne change pas grand-chose à la qualité du manga et à ce que le public peut en penser.

 

Lorsque vous avez débuté votre manga quels étaient les artistes et les séries qui vous inspiraient et aujourd’hui quels sont les auteurs et les manga qui vous inspirent ? Trouvez-vous des héritiers à votre manga ?
KF : Evidemment, Dragon Quest est une série dont le design des monstres a été fait par Akira Toriyama donc on ressent pleinement une "Toriyama Touch » qui reflète évidemment l’esprit Dragon Quest.
Oui, certaines œuvres m’ont influencé pendant la création de cette série telle qu’Evangelion, dont la publication commençait tout juste à ce moment.
Après les jeunes dont j’ai été l’inspiration… Je ne suis pas capable de vous donner de noms car je ne sais pas exactement.

 

Ryohei Tamura, l’auteur de Beelzebub, nous confiait il y a peu l’admiration sans borne qu’il vouait à Emblem of Roto

KF : Voilà un exemple en effet : il m’en a aussi parlé ici même. Des témoignages qui me parviennent, il semblerait qu’effectivement Emblem of Roto est une œuvre qui a marqué beaucoup de jeunes mangaka et cela me fait bien sûr très plaisir.

 

Parlons un peu plus de l’élaboration même du manga : quelle est l’étape que vous trouvez la plus complexe et pourquoi ?
KF : Je pense que le plus difficile a été de mettre en avant le héros car il y a, par exemple les 3 rois (Roi du poing, Roi de la lame et Roi de la sagesse) qui sont des personnages secondaires assez présents, aussi, la partie la plus difficile a été de rendre son rôle central au personnage principal en lui trouvant des spécialités, des particularités…

 

Vous avez sorti Emblem of Roto environ deux ans après Dragon Quest : Dai no Daiboken (NdlR : La Quête de Dai chez nous disponible aux éditions Tonkam), est-ce que cette œuvre vous a influencé dans votre travail ?
KF : Je n’avais jamais lu Dai no Daibokena avant d’être impliqué dans Dragon Quest - Emblem Of Roto. C’est à partir du moment où j’ai commencé à travailler sur le projet que je m’y suis intéressé afin d’éviter de faire la même chose, et surtout ne pas découvrir ça après coup !

 

Avez-vous d’autres projets en cours et si oui lesquels ?
KF : En fait, je travaille et publie actuellement au Japon la suite de Emblem of Roto (EOR) qui s’appelle « Les Héritiers de l’emblème », où les héros sont les enfants des héros d’EOR.

 

Justement dans la suite de votre carrière, est-ce que vous avez l’impression que l’énorme succès d’EOR vous a ouvert des portes dans le milieu du manga ou avez-vous toujours l’impression que vous êtes liés a cette série ?
KF
 : En fait il y a un petit peu des deux dans un sens où c’est une série très emblématique, on ne peut donc pas s’arrêter du jour au lendemain. Cependant, j’ai eu assez de pauses entre les projets pour m’occuper de projets personnels, j’ai donc pu travailler sur des choses différentes. Cependant, c’est vrai qu’on revient souvent vers moi avec des offres liées à la saga et qui sont toujours intéressantes. Mais de toute façon en tant que joueur de la série ça n’a jamais été une corvée de devoir travailler sur Dragon Quest, bien au contraire, c’est un univers qui me plaît beaucoup ! Toutefois, je pense qu’après la série sur laquelle je suis en ce moment, m’éloignerai sûrement de la licence.

 

Est ce qu’il y a encore des titres que vous lisez aujourd’hui malgré votre emploi du temps très chargé ?
KF : En ce moment je lis Levius (NdlR : un titre d’Haruhisa Nakata publié par Shogakukan). C’est un titre intéressant. Il a un esprit très BD puisqu’il se lit de la gauche vers la droite et que les textes sont écrits à l’horizontale. Je pense d’ailleurs qu’il a un réel potentiel international ! 

Japan Expo 2014 - Table Ronde Kamui Fujiwara « Je pense que mon titre est assez intemporel, il correspond au public quel que soit son âge ou quelle que soit sa génération. »

 

Travailler sur Dragon Quest implique des contraintes sur les personnages, les pouvoirs, les monstres etc, aviez-vous une marge de liberté et si oui laquelle ?
KF : En fait, pour cette série là j’ai eu peu de contraintes. Cependant, il y avait tout de même un département qui vérifiait tous les noms propres, à part ça j’étais plutôt libre.

 

Que pensez-vous de l’émergence des mangas en France ?
KF
 : Je pense que c’est quelque chose de très bien et j’espère que ça pourra servir de tremplin et de passerelle pour de meilleurs échanges culturels entre nos deux pays. 

 

Dans les premiers volumes d’EOR, on a vraiment la sensation de jouer au jeu, il y a énormément de marqueurs qui renvoient au titre comme les accessoires, les équipements, les tenues… Est-ce que ça fait partie de la charte imposée par le manga ou est-ce votre volonté de coller la narration du manga à celle du jeu vidéo ?
KF : J’ai essayé de mettre à la place du lecteur, mais en tant que joueur j’ai aussi essayé de coller le plus possible à cet univers et à cet esprit tout en pensant à ce qui ferait plaisir aux joueurs, aux éléments qu’ils voudraient absolument retrouver dans leur lecture.

Quelle a été votre relation avec votre tantô (responsable éditorial) pendant la publication d’EOR et comment cela se passe-t-il avec votre nouveau tantô sur votre nouveau projet ?
KF : Au Japon, les maisons d’édition fonctionnent un peu comme une entreprise, avec des salariés qui représentent l’entreprise pendant un certain temps. Ainsi, le tantô et l’auteur sont amenés à échanger de manière régulière. Parfois, ils s’entendent bien, parfois non. Moi en ce moment, ça va super !
 
Pour finir, un portrait chinois. Je vous pose des questions, vous me répondez en un mot, sans réfléchir :

Un manga… KF : Hokusai

Un monstre… KF : Fujiko Fujio

Une attaque… KF : Big Bang Attack

Un animal… KF : l’éléphant

 

Merci à Victoire de Montalivet des éditions Ki-oon pour la mise en place de la mini-conférence, au traducteur Odilon Grevet ainsi qu’à Nissim Assaraf pour la transcription.