Je reviendrai vous voir - Départ en terre d’inconnus

/ Critique - écrit par OuRs256, le 15/06/2015

Dans la mouvance de « Daisy » et des « Pommes Miracles », Akata nous propose un titre qui sort un peu du carcan habituel. Impossible à classer, George Morikawa, auteur d’«Hajime no Ippo » nous propose un manga personnel qui nous raconte une histoire poignante, témoignage d’une réalité difficile à vivre pour les habitants de la zone sinistrée.  

Nobumi est un jeune père de famille. Il est surtout auteur de livres illustrés destinés aux enfants. À l'instar de nombreux japonais, il sera, le 11 mars 2011, choqué à vie par la triple catastrophe qui s'abat sur son pays. Un peu naïf, et le cœur empli d'espoir, il décide alors d'envoyer gratuitement plusieurs milliers d'ouvrages jeunesse (dont les siens) pour distraire les enfants de la zone sinistrée. Mais quand il annoncera son don sur son blog, les réactions des internautes seront pour le moins… violentes ! Choqué et meurtri jusqu'au plus profond de son âme, Nobumi va alors vivre une véritable crise artistique, dont une seule issue sera possible : laissant pour plusieurs jours sa vie confortable de tokyoïte, il part en tant que bénévole volontaire, pour aider à la reconstruction de la zone sinistrée du nord est du Japon. Il y découvrira un paysage encore pire que tout ce qu'il avait pu imaginer… Suivez son émouvante histoire vraie, mise en dessins sous la plume des meilleurs mangakas japonais !

Je reviendrai vous voir - Départ en terre d’inconnus

11 mars 2011 : Le Japon n’est pas attaqué mais presque. Un peu d’eau. Enfin… beaucoup d’eau. Tellement d’eau que ça a donné naissance à un tsunami qui a ravagé la zone située autour de la centrale nucléaire de Fukushima. Dans Je Reviendrai vous voir, Morikawa ne nous parle pas de sa passion pour la boxe mais d’un autre sujet qui lui tient à coeur : le sursaut du Japon après le désastre. On suit un homme qui décide de faire quelque chose, à son échelle, pour changer la vie d’autres gens. Pendant son voyage, il va se poser de nombreuses questions : Fait-il tout cela pour lui ? Veut-il vraiment aider les autres ? Quel impact ont réellement ses actions ? L’auteur d’Ippo et ses guests de luxe tentent de répondre à ces questions mais aussi de faire comprendre qu’au final, il n’y a que la dernière qui est vraiment importante. En réalité, n’importe qui peut influencer la vie de ces gens qui ont tout perdu. Nobumi va bien le voir lors de ses diverses missions sur place. Toute aide fournie sera accueillie avec un mélange de bienveillance et de nécessité par les riverains. 

Chose étonnante pour une oeuvre de ce genre, Morikawa (et donc Nobumi) ne fait pas dans le pathos. Alors que des titres comme Santetsu montrait le courage des survivants tout en cherchant à vous tirer une petite larme, c’est loin d’être le cas de Je Reviendrai vous voir. On nous présente la désolation dans laquelle se trouvent les habitants des zones sinistrées très clairement mais ce n’est jamais too much. Le récit de Morikawa est ponctué de petites interventions avec des personnages dessinés par les mangakas venus en renfort. Ces derniers apportent ainsi leur pierre à l’édifice et participent à ce projet de soutien de ceux à qui il ne reste rien. L’auteur en profite aussi pour régler ses comptes avec les tristement célèbres haters. Nobumi est un illustrateur de livres jeunesse avec une certaine fanbase. Alors qu’il est sur place, il tente de garder un contact permanent avec ses fans via des messages sur son blog mais il fera face à un flot de critiques incessant. L’auteur se rendra compte que l’humain n’est pas forcément bon par nature et que les temps de crises peuvent faire ressortir ses pires penchants. Le doute va s’installer en lui et il ne saura plus s’il fait quelque chose de bien ou pas… 

Pourtant, ce qui ressort le plus des actions de Nobumi, c’est une sorte de courage. Il faut être sacrément téméraire pour se rendre dans une région que tout le monde voit comme « condamnée » et sur laquelle les Japonais étaient très mal renseignés pendant le drame et toute la période qui a suivi. Nobumi se lance à corps perdu dans l’inconnu et montre que tout le monde peut aider. Même si c’est une toute petite action à l’échelle du monde, elle sera toujours utile à quelqu’un. Une fourmi seule ne peut pas faire grand chose mais une fois en groupe, elles peuvent déplacer des montagnes (de terre). C’est peut-être ce qu’il faut retenir de la lecture de la belle histoire de Nobumi, les catastrophes naturelles ne sont pas des événements que l’être humain devrait avoir à surmonter tout seul. Pour avoir une chance de s’en sortir, il faut faire front en groupe. 

En éditant Je Reviendrai vous voir, Akata nous propose un titre porteur d’un message fort et au contenu très dense. Lors de notre lecture, on passe par plusieurs stades : la compassion, l’incompréhension, le dégoût, la tristesse… Quoi qu’il en soit, George Morikawa réussit à faire naître de l’empathie chez son lecteur. Les forces de la nature créent des situations que l’on l’être humain peut difficilement contrôler et qui sait quand ou même où la prochaine catastrophe du genre frappera (rien que ces dernières semaines, le Népal a eu le droit à un tremblement de terre particulièrement violent…). Ce que Nobumi nous incite à faire, c’est de ne pas laisser les choses se dérouler et d’agir tout de suite, non pas pour la gloire mais pour les gens qui en ont besoin.