9/10Ping Pong

/ Critique - écrit par juro, le 11/05/2005
Notre verdict : 9/10 - D' la (ba)balle (Fiche technique)

Tags : ping pong table tables balle paris parcours

Le meilleur manga de sport est un seinen et il s'agit de Ping Pong (Pin Pon) qui, comme son nom l'indique, s'intéresse à décrire le monde de la compétition du tennis de table inter lycées nippon. Parmi les compétiteurs, des vraies gueules, des vrais caractères, des vraies personnalités du monde sportif qui donnent un charme particulier à une approche d'un sport qui aurait pu paraître rébarbatif à un récit. Le titre du manga ne donne pas beaucoup d'indices sur le sujet réellement abordé par l'intrigue car avec Taiyou Matsumoto, il fallait s'attendre à dépasser le monde du sport...

Et PING...

Ping Pong
Ping Pong
Makoto Tsukimoto et Yutaka Hoshino sont amis d'enfance et de raquette même si tout les oppose sur tous les plans. Makoto est surnommé Smile et se distingue par son caractère froid et antipathique, ne souriant jamais d'où son surnom ironique. Sur le terrain de jeu, il s'attache à jouer son rôle de défenseur à la perfection même s'il ne possède pas la volonté de vaincre, le tennis de table n'étant qu'un simple jeu pour passer le temps. Le seul véritable ami de Smile et Yukata, surnommé Péko. Jovial et meilleur pongiste attaquant du lycée, l'arrogant gamin défie tout le monde à coup de provocation et de vannes incessantes, séchant même les entraînements tellement il est sûr de son talent qui le réserve à l'élite du sport. L'un est le ying, l'autre le yang. Mais si tout les sépare, tout peut les rapprocher comme ce fameux tournoi inter lycées. Et si Péko arrive plein de confiance, c'est bien Smile qui fera sensation. Un chamboulement à tout jamais dans leur amitié et dans leur motivation personnelle...

Les thèmes sont originaux et traités avec finesse : amitié et adversité passent d'ombre à lumière entre Péko et Smile. Point formidable du manga, les retournements de situations où chacun des deux passent d'un état de dominant à dominé et engendrant des réactions aussi diverses qu'inattendues. Matsumoto s'amuse, il surprend par des enchaînements efficaces, retrouvables nulle part ailleurs que dans Ping Pong. Chaque joueur de ‘ping' développe une personnalité attachante, pleine de faiblesses même si en apparence chacun essaye de monter son imperméabilité à la pression. Lorsque deux amis qui se connaissent sur le bout des doigts se font face à distance, le résultat est explosif.

Et PONG !

Le sport vécu par certains comme un mode de vie, pour d'autres comme un loisir et enfin par d'autres comme une philosophie prend petit à petit une grandeur sublime qui permet de présenter des personnages évolutifs et représentatifs de la réalité. En plus de Smile et Péko, le monde de Ping Pong est bourré de personnages secondaires charismatiques comme la grand-mère blasée d'une vie consacrée à la formation des graines de champion, l'ancienne star locale reconvertie entraîneur pour revivre son passé glorieux par l'intermédiaire d'un autre, le travailleur sans talent, le champion incontesté sous pression et enfin le chinois exilé en quête de reconnaissance. Tous forment un ensemble incroyable qui prend forme et dont le dénouement en prendra plus d'un à défaut. Matsumoto narre brillamment une histoire complexe qui possède plusieurs niveaux de lecture : le quidam pourra trouver son compte à lire un affrontement dynamique de matchs, l'observateur y verra une oeuvre possédant une atmoshpère poétique et sensible aux multiples sens avec des « nipponisations » incessantes et une utilisation intensive de la symbolique, des jeux de mots et métaphores. Sans oublier un humour dont seul le mangaka possède le secret.

L'auteur de Number 5 et Amer Béton possède un style particulier, proche de celui de Moebius. Dans un premier temps, il peut sembler hésitant, disproportionné ou pauvre selon les canons de la beauté créatrice mais l'ensemble est un véritable régal surdétaillé et retranscrivant l'intensité de match au couteau. On peut constater une déformation des personnages avec des angles de vue surréalistes et totalement impensables dans n'importe quel autre manga que celui d'un auteur comme Matsumoto, car il s'agit bien d'auteur duquel on parle avec une vraie démarche artistique, ne résumant pas l'affrontement bête et méchant d'un match de tennis de table mais bel et bien une oeuvre poétique où les personnages semblent s'animer, danser, prendre vie tout en se faisant face grâce à un découpage sans faille.

Pourtant, les matchs ne représentent qu'une faible part de l'intrigue, celle-ci étant axée avant tout sur la relation des deux amis d'enfance et leurs progressions vers les sommets. D'échanges amicaux à échanges fougueux, la progression est chaotique et justement loin d'être constante, l'échange marque aussi la passation de pouvoir entre Péko et Smile, l'échange de répliques acerbes et bourrés et nipponeries aussi. Le charme de Ping Pong est d'arriver à présenter ce scénario non linéaire dont les surprises montrent un potentiel narratif hors du commun.

L'édition est impeccable, Akata fait un bon travail en nous livrant un manga aux dimensions d'un livre avec une impression parfaite sur un papier fin très agréable à la lecture.

Vous l'aurez compris, Ping Pong est un manga d'auteur qui prétexte un affrontement sportif pour faire la part belle à un affrontement humain, mélange d'amitié et de volonté de prouver sa supériorité sur l'autre en dehors et dans la salle de sport. Avec un tel scénario, l'adaptation du film de Ping Pong fut un succès en Asie qui n'est que justice devant l'intelligence et la pureté dégagées par l'émotion que procure une balle, deux raquettes mais surtout un couple d'adversaires luttant au-delà de la victoire, du dépassement de soi ou encore de prouver bassement sa supériorité. Ping Pong montre tout simplement un combat plus important : l'affirmation de soi pour la quête du bonheur personnel.