8.5/10Le Portrait de Petite Cosette

/ Critique - écrit par juro, le 10/06/2005
Notre verdict : 8.5/10 - Pas si misérable que ça (Fiche technique)

Une relation malsaine. Ce serait le point de départ pour des tourments qui ne cesseraient de s'aggraver jusqu'à un point culminant, une rupture... ou une séparation encore plus brutale. Le Portrait de Petite Cosette est de ces oeuvres qui vous glacent, vous enjôlent, vous donnent un étrange sentiment de mal-être. A travers trois OAV de grande qualité, se laisser entraîner dans le monde gothique de Cosette va se révéler être une expérience dont on ne ressort pas indemne.

« Oh, oh, oh, jolie poupée... » (Bernard Menez inside)

Eiri Kurahashi est un banal jeune étudiant en art qui dispense son temps libre entre portraits crayonnés et job dans un magasin d'antiquaire. Son travail va l'amener à faire une découverte surprenante : un verre vénitien dans lequel il constate les reflets vivants d'une jeune fille qui est représentée sur un tableau de la boutique. L'hallucination ne fait aucun doute, Eiri est d'ailleurs le seul à voir cette jolie petite poupée blonde possédant des yeux aussi inquiétants que resplendissants. Pourtant, la vision de Cosette gagne le jeune homme jusqu'à l'obsession ; l'apparition de l'enfant pour laquelle il éprouve un amour certain va la décupler encore un peu plus. Cette enfant, c'est Cosette Dauvergne, décédée depuis 250 ans dans des circonstances à élucider. Et pour l'élucider, il faudra explorer le monde de Cosette, un monde gothique et inquiétant où la « normalité » n'a plus sa place, où la poupée pourrait devenir la marionnettiste, où la passion pourrait devenir... une relation malsaine.

Les personnages apparaissent tranquilles sous la plume du character designer Hirofumi Suzuki (Jin Roh). Le trait fin peaufine les personnages et les rend gracieux, animés d'une fraîcheur qui se flétrit petit à petit. Si le spectateur se place dans la peau d'Eiri, c'est Cosette qui crève l'écran. Le joli minois de la jeune fille captive par ses expressions douces et ses sourires, à l'inverse elle est à l'origine du mystère et elle continue de l'alimenter à travers ses apparitions sporadiques mais insondables. Insondable, Cosette l'est elle-même. Sa relation avec Eiri masque les nombreux points d'interrogation l'espace d'un épisode, celui de l'obsession intégrale. La relation entre les deux amants (ou êtres profondément perturbés) revient sur les traces du décès de Cosette mais le sens caché touche avant tout à la création artistique, ses folies, ses excès. Du grand art.

Des symboles morbides apparaissent une fraction de seconde grandissant un peu plus le mal-être : crâne, sang, oeil, pièce remplie de chandelles, etc... L'impression de se retrouver au sein de véritables tableaux du style surréaliste traverse l'esprit : les objets se déforment, prennent vie comme une sorte de poltergeist. L'attente de la vérité toute proche se fait pressante car si le scénario part d'une idée simple, il se complexifie par la suite, faisant souvent référence au Portrait de Dorian Gray.

Une réalisation éblouissante


La réalisation surprend avec des coupures de rythme, se traduisant par des plans unicolores venant bousculer une scène d'action dantesque. Le spectateur est perdu, totalement immergé dans ce monde vivement coloré par des ténèbres proches. Totalement en contradiction avec l'attitude des personnages, le monde de Cosette change, proposant une certaine flamboyance avec des jeux d'ombre et de lumière, un clair obscur presque digne de Georges de La Tour... on en revient toujours à la peinture. Le Portrait de Petite Cosette porte bien son nom, d'autant plus que la réalisation sans faille propose quantité de plans subtils et recherchés, superbement colorés et fournis en détails. Certains plans unicolores viennent parfois couper le rythme extrêmement soutenu d'une scène rajoutant un peu plus au malaise ambiant mais laissant une impression mitigée sur leur utilité. Ce malaise, justement, se poursuit jusqu'aux tous derniers instants du dénouement, même si la fin laisse présager d'une suite plus que probable.

Yuki Kajiura (Noir, .Hack//SIGN) signe encore une fois une fabuleuse OST à la fois inquiétante et gracieuse dans laquelle le violon prend une place prédominante. L'univers gothique parsemant la série est très bien décrit, entre un calme baignant dans les ténèbres et des instants extravagants de violence irréelle. Kaze nous sort le grand jeu avec un magnifique coffret DVD à la hauteur des OAV. Les bonus sont nombreux : trois ex-libris représentant des portraits de Cosette, le CD de la bande originale, un CD bonus et un livret décrivant la conception de l'anime dans les grandes lignes. Quatre pistes audio sont disponibles car chez Kaze, on aime faire les choses en grand et on y arrive plutôt bien.

Le Portrait de Petite Cosette hypnotise par son approche graphique en collant une ambiance insoutenable le temps de trois épisodes. Les amateurs d'art seront comblés, les autres aussi. Sans hésiter, un des meilleurs animes de ce premier semestre.