8/10Silent Möbius

/ Critique - écrit par Jade, le 27/03/2006
Notre verdict : 8/10 - Silent but deadly (Fiche technique)

Tags : silent mobius asamiya kia manga jeux evaluation

Silent Möbius est une série peu connue en France, tout comme le nom de Kia Asamiya sonne plutôt creux de par chez nous. Pourtant, que ce soit l'anime ou son auteur, voici deux figures emblématiques de l'animation japonaise et du manga en général. Succès international même, car Kia Asamiya est un des pionniers du manga aux Etats-Unis, Silent Möbius étant son premier chef d'oeuvre. La place de l'auteur dans ce beau pays outre-atlantique n'est aujourd'hui pas des moindres, car sa popularité lui aura valu de s'installer là-bas et de se voir confier des projets de choix dans la culture comics américaine, entre autre une énième franchise de Batman. Il est très intéressant de constater que le mouvement d'américanisation des mangas s'est amorcé depuis un bon moment déjà, qu'il est très largement inconnu (trop mal représenté) en Europe, et que Kia Asamiya fait figure de passerelle entre ces deux mondes.

Une passerelle entre deux mondes, voilà d'ailleurs tout ce autour de quoi tourne Silent Möbius.
silent Möbius
silent Möbius
Tokyo, figurez-vous, a toujours été le point communicant entre notre monde et une autre terre, superposée à la notre, et sur laquelle vivent des monstres en tout genre. Bon, on s'en serait bien douté, depuis le temps que la capitale nippone se fait assaillir par des Godzillas, des Anges et autres braves bêtes du genre. La nouveauté, c'est que ces deux mondes, qui cohabitent ainsi depuis la nuit des temps, ne peuvent se passer l'un de l'autre. Tel un anneau de Moëbius (vous savez, cette aberration géométrique : un ruban qui n'a qu'une seule face), les deux mondes ne sont doubles qu'en apparence et ne font en fait qu'un. Difficile du coup de faire autrement que repousser poliment les monstres qui pointent le bout de leurs mandibules sur notre coté de l'assiette, sous peine de détruire une alchimie bien établie.
Difficile mais pas impossible, c'est ce qu'a dû se dire M. Gigelf Liqueur en mettant au point le plan Gaïa, une sombre histoire d'équilibre des planètes et de paix ultime, dont vous apprendrez tout les tenants et les aboutissants en temps et en lieu (épisode 12 il me semble). Quoiqu'il en soit - et ça vous l'apprendrez dans l'intro du premier épisode, donc je peux vous le dire - ce projet Gaïa à très mal tourné, et en 2029, vingt ans après, on paie encore les pots cassés. Tokyo a été reconstruite pour le coup, et en ce qui concerne les Lucifer Hawk - car c'est leur nom -, une section spéciale, l'AMP, est chargée d'éliminer ceux qui viendraient à s'approcher trop près d'un être humain, surtout quand c'est pour le manger, car en plus d'avoir l'air plutôt désagréables, ces sales bêtes sont cannibales.

Katsumi Liqueur ne le sait pas encore, mais elle est mêlée de très près à toute cette histoire. En effet, elle est la fille de Gigelf Liqueur, et est donc appelée à supporter le lourd héritage de son père, notamment par ses pouvoirs magiques puissants. Qu'elle le veuille ou non, son destin est de lutter aux cotés de ses camarades de l'AMP, toutes des filles, contre la menace des Lucifer Hawk.
Une belle série plein d'action alors, avec monstres à la pelle et grands méchants au design audacieux. Silent Möbius, c'est une série old-school, dans un genre très différent d'aujourd'hui, sans aucune petite culotte ou poitrine bondissante à l'écran (dans une série où la majorité des personnages principaux sont des femmes, c'est limite scandaleux au vu des standards actuels !). Les plus jeunes seront mis au courant, nous voici dans une page de l'histoire de l'animation japonaise qu'ils n'ont sûrement jamais connue. Le problème, c'est que les standards en animation ont bien évolué, et déjà à l'époque Silent Möbuis avait du mal à convaincre sur ce plan. On a donc droit à de nombreux plans fixes, des dessins moins fins pendant les séquences de mouvement, et j'en passe. Vers les derniers épisodes, on note quelques emplois d'images de synthèse plus ou moins inspirés (mais des images de synthèses de l'époque, j'entends), mais voici bel et bien le plus gros défaut de cette série.
Le plus gros, mais pas le seul, loin de là. Le design a beaucoup de mal à faire ressortir la féminité des personnages, et on remarque une tendance très escaflownesque concernant les nez.
Rien de bien grave quand on y pense, mais ces défauts vous accompagneront tout au long de la série et au final joueront pour beaucoup sur l'appréciation finale.

Mais bon, quand on voit ce qu'il y a en contrepartie de ça, le jeu en vaut clairement la chandelle. Silent Möbuis est une oeuvre qui annonce clairement bien des chefs d'oeuvres à venir, Evangelion en premier, par son scénario qui tourne autour d'un personnage et se concentre avant tout sur l'univers personnel de celui-ci, le tout sous couvert d'airs de série pleine de muscles et d'action.
L'histoire de ces deux planètes complémentaires, c'est une belle allégorie de l'esprit humain et des sentiments qui oscillent sans cesse de la lumière à l'obscurité, de l'égoïsme à l'ouverture d'esprit. Ainsi, Maximilian Ganossa, grand méchant de l'esprit n'est autre que le pendant maléfique de Roy, le petit ami de Katsumi. Alors que l'un est un amant fidèle et prêt à tout pour sa bien-aimée, l'autre n'aime qu'une projection de son être et de ses désirs sur Katsumi, et, conscient qu'il n'aura jamais son coeur, ne la désire que par procuration, à travers la haine qu'elle lui voue.
Silent Möbuis aborde notamment la question de l'espoir, du bien-fondé de la lutte contre soi-même et contre le désespoir qui est en chacun de nous. Il serait si facile de se laisser gagner par la haine et l'avidité, de laisser les braves Lucifer Hawk envahir Tokyo (et par un raccourci scénaristique assez commun dans le monde du manga, le monde entier) et juste arrêter cette lutte incessante qui nous rattache à nous-mêmes et à notre devoir. Les liens de l'amitié et de l'amour peuvent parfois paraître bien ténus quand tout ne se passe pas comme on le souhaiterait. Et quand ces liens rompent, il peut sembler si facile de juste se laisser aller vers le coté obscur de notre être. Et même, après une fin de relation douloureuse, on peut facilement se laisser convaincre d'y avoir bon droit.
Kia Asamiya signe ici une oeuvre très optimiste et très profonde, reprenant le thème développé de manière juste et touchante. On regrettera certaines faiblesses de mise en scène qui font perdre de la puissance au propos (alors que d'autres scènes sont, au contraire, parfaitement géniales et superbement orchestrées). Difficile de vous parler du scénario, car rares sont les éléments importants qui ne vous dévoileraient pas une bonne partie de la trame dramatique. Sachez juste que toute l'histoire tourne avant tout autour de Katsumi (au détriment de pas mal d'autres personnages, qui se voient tout juste attribuer un épisode syndical pour ensuite disparaître dans les abymes du second plan), que certains rebondissements prêtent à des bondissements sans pareil (parfois, hélas, atténués par la mise en scène) et que si la fin peut décevoir dans un premier temps, on se rend vite compte après réflexion qu'elle n'eut pu être autre (sauf à montrer un peu plus le génial Maximilian Ganossa, qui est décidément le vrai héros de cette série).

Finissons cette critique en parlant de l'aspect sonore, qui prête réellement à l'admiration. La bande-son est tout proprement géniale, faisant la part à l'orgue et aux choeurs ; elle est digne des plus grandes musiques de film. Les voix sont elles aussi très bien choisies, et je pense surtout aux méchants (nouvelle mention spéciale à Ganossa dont la voix est un délice auditif).
Pour cette réédition collector, Déclic Imag a effectuer un travail à la dimension de la série. Le packaging est magnifique. Les bonus sont eux aussi de la partie ave un dvd supplémentaire très riche et interessent sans parler du livret qui permet de découvrir ou se rapeller quelques dtails de la série. Dommage juste que celui ci ne soit pas mis à jours. Quelques nouvelles infos sur l'auteur ou silent Mobius plus récentes existent et auraient pu être intégrée

Sur ce, Silent Möbius est une grande oeuvre de l'animation japonaise, une référence à connaître, mais dont il est très difficile de faire abstraction des défauts.