8/10Les Vents de la Colère

/ Critique - écrit par juro, le 24/01/2007
Notre verdict : 8/10 - Souffle de révolte (Fiche technique)

La légèreté du manga n'a plus lieu d'être lorsque des oeuvres comme Les Vents de la Colère sont mis en valeur par des éditeurs bienheureux de nous faire découvrir ces grands manga qui représentent un pan de la culture nippone oubliée de la part des européens. Impossible de rester insensible à cette intrigue terriblement surprenante, mettant à mal le système politique nippon et s'inscrivant dans la tradition des récits de politique fiction nippone. Tatsuhiko Yamagami s'incarne à travers le personnage principal, seul être conscient d'un désastre prévisible dans un contexte ayant beaucoup de parentés avec le « Mai 68 » français.

Qui sème le vent récolte la tempête

Les Vents de la Colère
Les Vents de la Colère
Un étudiant de dix-huit ans, Gen Rokkôji, fils cadet d'un général à la retraite, découvre qu'une terrible maladie, ayant touché un village retiré du nord du Japon une trentaine d'années plus tôt, cache une réalité atroce : un secret d'État dans lequel sont impliquées l'armée japonaise et les forces d'occupation américaines... Ainsi débute une grande aventure de politique-fiction qui se poursuivra en dévoilant bon nombre de faces cachées du Japon d'après guerre...

Le scénario reprend beaucoup d'éléments et les rabiboche formidablement les uns aux autres. L'histoire japonaise est évoquée par ses travers les plus vils : la volonté guerrière patriotique, les complots gouvernementaux et internationaux, le pouvoir des sectes ou encore les conditions de détention. L'ensemble des thèmes se révèle dur avec une narration titanesque et dénonciatrice. L'auteur nous embarque dans un récit fait de transitions diaboliquement intelligentes mettant en exergue son héros, Gen Rokkôji aux prises dans tous les problèmes. Celui-ci, rebelle au sein de sa propre famille, est le pion essentiel et humaniste du manga évoluant dans un monde se désagrégeant autour de lui. Protagoniste quasiment unique de l'oeuvre, toute l'attention du lecteur se concentre sur ses traits et sa quête de la vérité - très loin d'une quête initiatique - se révèle dantesque. Les problèmes se succèdent, sont liés, comme un engrenage impitoyable dans lequel les hommes ne représentent que des pièces dans la main des puissants. Et dans la véracité historique relative, cela prend une dimension très forte.

Fier et furieux

Tatsuhiko Yamagami prend le parti d'une politique-fictions pour instaurer un véritable brûlot interrogatif sur les pouvoirs en place au pays du Soleil Levant. Comme le confirme le commentaire de Patrick Chesnet, journaliste spécialiste de l'Asie, Les Vents de la Colère ne représente ni plus ni moins que le reflet de son époque, période de troubles et de doutes, une instabilité renforcée par la présence étasunienne en plein guerre froide. Le mangaka se livre à un travail d'orfèvre constituant à faire tenir tous ces éléments avec une cohérence incroyable. Et ce sont - justement - quelques-uns de ces éléments qui peuvent paraître un peu gros et peuvent empêcher le manga d'être encore meilleur, un peu à la manière de L'Histoire des 3 Adolf...

Tezuka a fait des émules. Le style de Yamagami s'en rapproche considérablement et la comparaison entre Les Vents de la Colère et L'Histoire des 3 Adolf n'en prendrait dès lors que plus de poids. Les personnages possèdent des « gueules » bien typées à leur caractère, le trait n'hésite pas à se durcir lors de scènes d'action ou de folie des personnages pour montrer les conséquences désespérantes de cette émulation désastreuse vers une catastrophe inévitable. La justesse des proportions n'est pas le point fort du mangaka mais l'intérêt réside bien plus dans son scénario. L'ensemble reste tout de même agréable à voir sans soulever un enthousiasme folichon.

Les Vents de la Colère souligne le caractère dense d'une époque exceptionnellement riche en intensité et qui, comme l'oeuvre de Tezuka, apparaît tel une escalade vers la violence dans un contexte trop réel pour n'être qu'une fiction. Un manga intéressant et didactique à la fois, ce n'est pas donné à tout mangaka de pouvoir en réaliser un, Yamagami s'y est collé. Avec culot et brio.