7.5/10Vitamine

/ Critique - écrit par Djak, le 15/11/2005
Notre verdict : 7.5/10 - L'Ijime : un tabou relaté (Fiche technique)

Tags : vitamine vitamines sante carence organisme role aliments

Welcome in the real world

Sawako Yarimizu, une collégienne de quinze ans, mène une vie sans soucis entre les examens d'entrée au lycée, ses camarades et son petit copain. Son monde bascule le jour où elle est surprise en position scabreuse dans l'enceinte même du collège. Désormais cible des quolibets et d'odieuses violences scolaires de la part de ses camarades, la jeune fille va plonger dans un cauchemar sans fin.

Vitamine
Vitamine
Attention, Vitamine est un titre choc, un manga qui frappe, une oeuvre qui marque.
A première vue, on a affaire à un shôjo classique comme Génération Comics est habitué à nous sortir. Même format, même prix, même style graphique que Peach Girl par exemple. Pourtant, passé les première pages classique, le ton est donné et on assiste impuissant à la chute de Sawako. La lecture se révèle de moins en moins aisée, tant la mangaka Keiko Suenobu relate de manière réaliste l'enfer quotidien de l'héroïne. On sent un vécu derrière l'histoire ainsi qu'un travail de recherche de l'auteur. La postface de la mangaka tend d'ailleurs à confirmer que ce sujet lui tient particulièrement à coeur et laisse sous entendre que l'auteur a elle aussi été une « ijime ».

Ijime : un tabou au Japon

L'ijime est la tête de turc de la classe, la victime toujours brimée par ses camarades. Sawako devient l'ijime de la classe après avoir été surprise dans une position « olé olé » avec son petit ami. Comble de malchance, celui-ci n'a pas été reconnu. Résultats, Sawako passe pour une fille facile, une salope (n'ayons pas peur des mots) qui de surcroît a trompé son petit copain. Celui-ci, comme on pouvait s'en douter préfère abandonner Sawako et nier en bloc ses accusations pour sauver sa réputation. Mise au banc de l'école, abandonnée de tous, Sawako perd petit à petit goût à la vie. Seule, elle ne tarde pas à remettre en question son existence et sa société.

La mangaka n'hésite pas, à travers le personnage de Sawako, à passe en revue de façon réaliste son cauchemar. Elle en profite pour montrer du doigt et dénoncer de nombreux problèmes tabous. En effet, la violence scolaire est bien souvent passée sous silence. Sawako est ainsi ignorée d'une part par ses camarades qui soit la maltraite, soit l'ignore de peur de subir le même traitement qu'elle. Les professeurs sont ici aussi peu compréhensifs et minimisent les sentiments de l'héroïne. Enfin, même les parents de Sawako font la sourde oreille. Keiko Suenobu retranscrit avec justesse toutes ces scènes prenant place dans la famille de Sawako. Sans fioritures ni exagération de la part de l'auteur on assiste à la désolidarisation de la famille envers leur fille. La mère se met des oeillères tandis que le père plus compréhensif se montre en réalité absent.
Sawako, esseulée à l'école, critiquée à la maison n'a d'autre choix que de se renfermer sur elle-même. Seule une passion d'enfance lui permettra de retrouver goût à la vie et d'accepter de regarder la situation en face.

Retour à la réalité

Vitamine n'est pour autant pas exempt de défaut. Tout d'abord, le sujet développé par l'auteur aurait mérité bien plus de volumes. En à peu près 200 pages, certaines situations sont traitées trop rapidement, de nombreux personnages doivent être caricaturés pour qu'on en saisisse le plus rapidement possible leurs rôles. Idem pour l'héroïne qui change parfois, en particulier vers la fin, de comportement de façon trop abrupte et peu naturel. A ce sujet la fin en forme de "happy end" déçoit dans son traitement par rapport au reste de l'oeuvre. Elle dénote beaucoup du reste du manga et même si on est heureux que tout cela se termine bien on aurait aimé un dénouement plus approfondi et moins tranchant. Cette irréalité de la fin, ce ton mielleux fait perdre à Vitamine une bonne part de son réalisme et fait rappeler au lecteur qu'il lit bien un manga.

Un style académique

Le style graphique de Keiko Suenobu est très proche de celui de Miwa Ueda la mangaka de Peach Girl. Le trait de l'auteur est fin et clair, le cadrage maîtrisé et lisible (une rareté pour nombre de shôjo). La mangaka se montre même brillante avec une mise en page dynamique. La mangaka arrive à retranscrire avec efficacité le contraste entre les moments de joie de l'héroïne grâce à un trait subtile et souple et ses moments de désespoir par un trait plus vif, plus hachuré.
Rien de bien original non plus, de toute façon se n'est pas du côté du graphisme qu'il faut rechercher les qualités de Vitamine mais bien dans son scénario et les thèmes que Keiko Suenobu aborde.
Côté édition, Génération Comics ne surprend pas et les défauts habituels de l'éditeur sont au rendez-vous, entre autre les fameux carrés blancs. On peut se consoler avec le prix de 6.95€ qui s'il est élevé comparé au reste du marché est pour un titre de Génération Comics très honorable surtout quand l'on voit en général les prix proposés par les autres éditeurs quand ils sortent des one-shot.

Vous l'aurez compris, de notre côté, on a plutôt bien accroché au one-shot Vitamine. Si l'oeuvre n'est pas parfaite, elle mérite de figurer au planning de vos lectures, voire de vos achats. En attendant, on espère rapidement voir une autre oeuvre plus longue comme Life débarquer chez nous.